Galerie Tarantino

Paris



Artiste anonyme de la seconde moitié du XVIIe siècle (Giovanni Maria MARIANI?)

Prière de Salomon devant le temple de Jérusalem


Pierre noire, plume et lavis d'encre brune
360 x 240 mm



Bibliographie

:

Bibliographie comparative : M. Fagiolo dell’Arco, Corpus delle feste a Roma/1 – La festa barocca, Roma 1997, pp. 143-144


La feuille est un rare projet pour un décor éphémère des Quarante Heures. La cérémonie liturgique correspondant à la période entre la mort et la Résurrection du Christ, consistait en une veillée de prière qui durait justement quarante heures, pour ré-évoquer ce moment si important de l’histoire de la chrétienté[1]. D’une manière plus générale, elle fait référence à une période d’expiation des péchés menant à la purification et au salut : en effet le nombre quarante revient souvent dans la Bible, si l’on pense aux jours du déluge, à la période d’attente des hébreux pour recevoir les tables de la loi, ou au temps passé par le Christ dans le désert. La cérémonie pouvait aussi avoir lieu en certaines occasions importantes, comme des guerres ou la mort de personnages importants, aussi pouvait-elle se renouveler plusieurs fois par an. De tradition médiévale, lorsque l’on commence à avoir des mentions d’expositions, de caractère privé, de symboles christologiques, pour une durée de quarante heures, la célébration est approuvée par un décret pontifical en 1537 : après cette date, elle a lieu à Recanti en 1542, à Bologne en 1546 et à Rome en 1548. C’est précisément dans la capitale, au XVIIe siècle, qu’elles connurent un grand succès, reliées aux célébrations du triomphe de l’Eglise catholique, bien qu’avec une signification politique et sociale beaucoup plus profonde. Les spectaculaires décors éphémères dont nous avons, dans certains cas, des descriptions détaillées, dans lesquelles furent impliqués les artistes les plus en vue de l’époque – de Bernin à Pierre de Cortone - tenaient lieu de manifestation du pouvoir des hiérarchies ecclésiastiques, envers les étrangers en résidence à Rome – depuis les simples touristes, jusqu’aux ambassadeurs et aux régnants – et par la même occasion, d’instrument de contrôle social. En effet, les feux d’artifice, les silhouettes de personnages, les éléments et détails naturalistes qui semblaient s’animer, l’association de la prière et de la musique avaient raison du spectateur et en même temps, le persuadaient de la réalité, de la légitimité et de l’inviolabilité des préceptes des Saintes Ecritures, selon un processus d’éducation par les images qui, partant des élaborations des Jésuites, est une des composantes de l’art baroque. La composition de notre dessin, avec l’hostie - irradiante de lumière divine – entourée d’une gloire d’anges, véritable point central de l’image, ne laisse aucun doute sur la véritable destination de l’œuvre. L’idée du globe qui abrite l’ostensoir, nous la retrouvons par exemple, dans la gravure rappelant le décor pour la cérémonie des Quarante Heures de 1666. La scène qui se déroule en dessous est probablement à identifier avec les sacrifices offerts par le roi Salomon pour la fin de la construction du temple : dans le Livre des Chroniques, il est en effet écrit que « le roi se plaça devant l’autel du Seigneur, face à toute l’assemblée d’Israël […], étendit les mains vers le ciel et dit : « Seigneur, Dieu d’Israël, il n’y a pas de Dieu semblable à toi, ni dans le ciel, ni sur terre. » […] A peine Salomon eut-il fini de prier, que le feu tomba du ciel, consumant l’holocauste et les autres victimes, tandis que la gloire du Seigneur remplissait le temple »[2]. L’identification de l’auteur de l’œuvre est plus problématique : il est certain que la partie supérieure rappelle La chaire de Saint Pierre, de Gian Lorenzo Bernini (donc le terminé post quem pour cette feuille est 1665) et, plus généralement, la gloire angélique d’inspiration berninienne – on pense alors aux inventions d’un Courtois ou d’un Baciccio – sans que l’exécution puisse être relié à l’un des artistes qui collaborèrent avec le « metteur en scène du Baroque »[3]. Le trait ondulé et fragmenté, les lignes fines et la luminosité conférée à l’image par la légèreté du lavis, alliés à l’impression de mouvement donné à la scène, créent un impact vraiment spectaculaire. Même en orientant nos recherches vers l’œuvre graphique d’autres artistes travaillant à Rome dans la seconde moitié du XVIIe – de Ludovico Gimignani à Giacinto Calandrucci en passant par Pietro de’Pietri – aucun nom ne nous paraît convaincant[4]. On pourrait avancer l’hypothèse du nom de Giovanni Maria Mariani, un artiste spécialisé dans la création de décors éphémères pour les Quarante Heures, très appréciés à l’époque[5]. Ne connaissant pas ses dessins, seule l’avancée des études pourra faire la lumière sur cette belle feuille, qui constitue un important témoignage de l’art et de la religiosité à Rome au XVIIe siècle.



[1]M.Fagiolo dell’Arco, S.Carandini, L’effimero Barocco, 2 vol., Roma, 1977-1978, en particulier vol.2, pp. 138 et suiv.; R.Diez, Le quarantore, una predica figurata, in M.Fagiolo dell’Arco (sous la direction de), La festa a Roma dal Rinascimento al 1870, catalogue de l’exposition, Roma, Museo Nazionale di Palazzo Venezia, 23.V -15.IX.1997, Roma, 1997, pp. 85-97; R.Bösel, L.S. Insolera, Teatri Sacri, apparati per le Quarant’ore, in R.Bösel, L.S. Insolera (sous la direction de), Mirabili disinganni, Andrea Pozzo (Trento 1642-Vienna 1709) pittore e architetto gesuita, catalogue de l’exposition, Roma, Palazzo Poli, Istituto Nazionale per la Grafica, 5.III-3.V.2010, Roma, 2010, pp. 231-235; F.Rangoni, Apparati festivi a Roma nel XVII secolo: le Quarantore, in ‘Roma moderna e contemporanea’, n. 18, 2010, vol.1/2, pp. 275-308; N.K.Petersen, The Quarant’ore: early modern ritual and performativity, in P.Gillgren, M.Snikare, Performativity and performance in Baroque Rome, Farnham, 2012, pp. 115-133.

 

[2]Cronache 2, 7.

[3]F.Petrucci, Baciccio, Giovan Battista Gaulli 1639-1709, Roma, 2009; S.V.Prosperi Rodinò, Disegni di Giullaume Courtois detto il Borgognone nelle collezioni del Gabinetto Nazionale delle Stampe, Roma, 1979.

[4]U.V.Fischer Pace, Disegni di Giacinto e Ludovico Gimignani nelle collezioni del Gabinetto Nazionale delle Stampe, Roma, 1979; D.Graf, Die Handzeichnungen von Giacinto Calandrucci, Düsseldorf, 1986; D.Graf, Neues zu Pietro Antonio de’ Pietri, in ‘Römisches Jahrbuch der Bibliotheca Hertziana’, n.33, 1999/2000(2003), pp.427-478.

[5]M.Fagiolo dell’Arco, S.Carandini, L’effimero Barocco…cit., pp.158 et suiv.